Posté le 3 août 2010 par Fred
Ma vision de la pédagogie
Posté le 3 juillet 2021 par Fred.
Dans ce monde où la plupart des gens vont éviter en rigolant les pubs du type "Jouez mieux que Jimmy Page en 6 mois", "maîtrisez la guitare en 1 mois", "apprenez sans effort" mais vont se précipiter sur la "méthode" de tel ou tel musicien virtuose presque uniquement basée sur des exercices dits "techniques" et de rapidité occultant tout ce qu'il y a d'autre à travailler pour être un bon musicien (comprenez bien que ces personnes ne sont pas des profs et que ce genre de bouquin est du même niveau que les gagnants du gros lot à un jeu de loterie qui essaient de vous vendre leur bouquin "comment gagner au loto")... Dans ce monde, disais-je, je vais essayer de vous expliquer mes concepts en tant que prof (même si je sais très bien que ça va être compliqué pour vous de pouvoir imaginer la chose si vous ne faites pas partie de mes élèves).
Les trois niveaux de progression
Comme dans tous les domaines, il y a dans l'apprentissage d'un instrument des notions qu'on peut assimiler d'un cours à un autre, d'autres sur quelques semaines ou mois, d'autres sur plusieurs années.
C'est pourquoi il faut, autant que possible, travailler lors de chaque cours sur ces trois niveaux : des notions sur lesquelles les progrès peuvent être palpables d'un cours à un autre, d'autres avec progrès visibles sur plusieurs semaines et d'autres qui font plus partie d'un long travail de fond qui va demander patience et ténacité.
Notez bien qu'il est quasi-impossible d'acquérir les connaissances de ce dernier niveau en faisant juste des exercices à court terme dits "tape-à-l'œil", inutile également d’essayer de chercher ce travail de fond et de longue haleine dans les programmes de stages qui vous promettent de devenir musicien pro en un ou deux ans.
Je comprends bien qu’avec la propagande servie dans les rockumentaires, biopics ou autres émissions de télé-réalité les gens ont vraiment l’impression que des exercices à court terme voire juste des conseils suffisent et que le talent soit on l’a soit on ne l’a pas (d’où la floraison de masterclasses où bien sûr on n’apprend rien et autres appellations “coaching guitare” parce que bien évidemment “MÔA j’ai juste besoin d’un coach qui donne quelques conseils, et pas de cours complets sur plusieurs années car je suis L’ELV DE DIEV”)...
La pédagogie à œillères
Nous vivons dans une ère qui nous permet d'accéder à énormément de connaissances en quelques clics, c’est génial et en même temps il y a un risque d’enlisement dans un torrent de connaissances acquises trop vite ou dans le désordre.
Un musicien pour pouvoir maîtriser une notion a besoin de la comprendre théoriquement, de la comprendre avec son oreille et de la comprendre en l’appliquant dans sa pratique. (je me souviens d’un élève qui sortait de fac de musicologie à qui j’ai dû ré-expliquer les modes et qui m’a dit “Aaaaaaah ! … Ben j’avais pas bien compris à la fac”, quelques semaines de pratique plus tard, son oreille a compris le concept des modes et il m’a sorti de nouveau un “Maintenant j’ai compris”)
C’est pourquoi il faut, autant que possible, limiter les infos théoriques et les exercices à ce qui peut être praticable sous peu au niveau technique et identifiable sous peu au niveau de l’oreille musicale. Autrement dit, le fait de ne pas aborder des exercices ou morceaux trop compliqués techniquement pour l’instant, de repousser à plus tard les explications théoriques que l’oreille de l’élève ne peut pas encore comprendre ou que son niveau technique ou son recul ne permettent pas d’aborder correctement, etc, permet à l’élève de se concentrer sur des choses qu’il peut assimiler plus vite et donc de progresser plus vite sans s’enliser.
(Alors là c’est marrant parce que je me souviens d’une élève qui prenait un 2e prof de guitare “pour travailler des choses complémentaires”... Soit pour travailler exactement ce que je remettais à plus tard pour qu’elle se concentre sur ces choses plus basiques qu’elle devait acquérir avant d’aborder ces choses plus compliquées…
* Bruit d'horloge qui fait coucou *
Pareillement, les élèves qui me posent des questions du genre “comment tenir mon médiator et quelle est la bonne gestuelle pour jouer vite ? Parce-que là, j’essaie de m’exercer tout seul mais j’y arrive pas” un cours sur quatre ont apparemment du mal à comprendre ce concept de pédagogie à œillères)
L'apprentissage par redondance
Si vous avez déjà bossé sur des méthodes (j’en ai utilisé des montagnes pendant mon apprentissage et durant mes 10 années à travailler comme prof en école de musique avant de commencer à écrire les miennes) vous avez surement remarqué dans les pires d’entre elles une page isolée avec toutes les notions théoriques condensées ou quelques pages à l’écart sur une technique particulière, donc en gros on bosse ce passage de la méthode, puis quelques pages plus loin, tout ça tombe progressivement dans l’oubli...
C’est exactement ce que je réussis à éviter avec l’apprentissage par redondance : Quand on a travaillé une notion théorique, un nouvel accord, une nouvelle technique, une nouvelle gamme, un nouveau rythme, etc, tout ça repointe son nez régulièrement au fil de la méthode ou dans les morceaux afin que les élèves ne puissent pas l’oublier.
Expliquer de plusieurs façons différentes
Il est connu que selon votre langue maternelle, certains concepts philosophiques, scientifiques, artistiques sont plus ou moins faciles à comprendre, tout simplement car certains mots dans certaines langues ont un sens qui vous permet de mieux imaginer, visualiser le concept.
Sans aller jusqu'à donner un cours en plusieurs langues, le choix des mots est ultra important pour faire comprendre un concept, c’est pourquoi il ne faut pas hésiter à expliquer et réexpliquer de plusieurs manières différentes en utilisant d’autres mots à un élève qui ne comprend pas.
Laisser l'élève respirer
Pointer du doigt chaque erreur au centième de seconde près est la meilleure façon de décourager un élève, peut-être entend-il certaines de ses erreurs ? En général, je fais répéter et ne signale une erreur qu’au bout de 3 erreurs similaires consécutives. (je me souviens d’un papa qui, assistant au cours et étant un peu guitariste, coupait son fils de 8 ans qui jouait toutes les deux secondes pour lui signaler ses erreurs, c'était particulièrement moche et ça me sabotait mon cours)
Euh…Sinon LAISSER LE PROF RESPIRER c’est pas mal non plus : Les élèves qui jouent 3 notes et demandent “C’est bon là Fred ?” puis rejouent 3 notes et rebelotte, C’est PARTICULIÈREMENT STRESSANT. 🙄
Il y a également des élèves qui stressent particulièrement devant le prof et quelquefois faire semblant d’aller aux toilettes en ne restant pas trop loin derrière la porte leur donne un petit moment déstressant et peut éventuellement vous aider à entendre si ça sonne pareil quand ils sont plus détendus ou si il ya un truc qui cloche quand ils bossent chez eux (genre au bout de 30s ils passent de ce qu’ils doivent bosser en votre absence à une série de riffs qu’ils aiment bien, donc vous en concluez très vite que le travail ne doit pas être très structuré à la maison 😂)
Le développement de l’oreille en jouant des transcriptions correctement faites
Travailler un morceau c’est bien, le travailler avec la bonne partition c’est mieux. Le gros problème c’est que si vous vous doutez bien que prendre une partition gratuite sur un site internet est un jeu de hasard où l’on perd 9 fois sur 10, il est toutefois moins évident de comprendre que même les partitions achetées dans le commerce comportent des erreurs, des bourdes ou des imprécisions qui peuvent vous coûter du temps si vous voulez bosser sérieusement.
Mes méthodes comportent des morceaux soigneusement retranscrits par les élèves les plus avancés et moi-même, vous forgeant l’oreille en rejouant note par note ce qu’il y a sur l’enregistrement. C’est un des meilleurs moyens de commencer à se former l’oreille pour ensuite passer à des exercices de développement de l’oreille musicale à travers l’improvisation et plus tard à votre tour, des transcriptions qui vont être corrigées par moi, intégrées aux méthodes et donc travaillées par d’autres élèves.
Baser sa pédagogie sur l'élève moyen
Une erreur monumentale en tant que pédagogue que l’on retrouve souvent, c’est de baser sa pédagogie sur les élèves super doués, pour caricaturer la chose, ça donne des raisonnements du genre “bon j’ai sorti de mes cours de basse un nouvel équivalent de Marcus Miller, donc mes cours sont parfaits, il n’y a rien à changer”, or on va en parler dans le paragraphe suivant mais il se peut aussi que ce qui a fait le succès de cet élève soit dû à d’autres facteurs que juste les cours.
Je base ma pédagogie sur l’élève moyen, je fais des stats et si beaucoup d’élèves ralentissent en progression au même endroit de la méthode, j'intercale des pages pour que les notions soient mieux assimilées. De cette façon, monsieur ou madame tout-le-monde (qui bosse correctement) peut atteindre un très bon niveau en faisant juste preuve de rigueur et de ténacité. Et le surdoué dans tout ça, est-ce qu'il est ralenti dans sa progression par ces pages de travail en plus ? Ben non, absolument pas, les pages faciles sont passées rapidement avec en plus la certitude que ces notions sont complètement acquises, et quelquefois des surprises avec des passages où il éprouve les mêmes difficultés que M. et Mme Tout-le-monde, donc on bosse ça et il continue de ce fait à progresser.
Le couple prof-élève
Aucun prof ne peut faire quelque chose d’un élève qui ne travaille pas.
Un prof pas terrible avec un élève qui ne bosse pas des masses, il ne va pas se passer grand chose mais à la limite peut être qu'aucun des deux ne s’en rendra compte.
Un élève qui travaille bien avec un beau potentiel qui prend des cours avec un prof qui au mieux ne structure pas ses cours, c’est vraiment le genre de gâchis qui me file la rage d’autant plus qu’il est possible que l’élève perde énormément de temps avant de s’en rendre compte.
Et enfin ce couple Super prof-super élève qui est tout de même assez rare, il faut un élève avec un beau potentiel qui ait la présence d’esprit de se dire qu’il peut gagner énormément de temps une fois qu’il a trouvé le bon prof au lieu de bosser seul dans son coin en faisant tout de même des progrès, et de l’autre côté il faut un prof qui ait structuré son travail de prof et qui ne soit pas juste un musicien pro qui joue bien et qui noie le poisson en montrant constamment à quel point il joue bien.
Le petit truc qui peut aider un élève pour ça est qu’à partir du moment où vous sortez d’une période de cours en vous disant plus “wahou j’ai bien progressé” que “wahou mon prof il joue bien”, vous êtes avec la bonne personne.
Je suis de plus en plus souvent le 2e ou 3e prof de certains élèves, il m’est déjà arrivé à 4 ou 5 reprises de me prendre un espèce de “Ben j’ai appris plus avec toi en un cours qu’en 2 ans avec trucmuche” ça devrait me faire plaisir, mais bon ça me désole…
*voix d’Homer Simpson*
"Euh non faut pas fi-nir com-me ça, dis un truc po-si-tif, PO---SI---TIF…
Euh...Euh...
Essayer c'est le premier pas vers l'échec...
…
... D’OH ! “