Posté le 3 août 2010 par Fred
Le déchiffrage de partitions à la guitare électrique et à la guitare basse
Posté le 19 août 2024 par Fred.
Note: Cet article peut servir aux professeurs en école de musique ou conservatoire qui veulent se battre pour changer/améliorer les choses concernant le déchiffrage ou l'écriture/composition pour ces deux instruments.
Pour ma part, ayant écrit mes méthodes et m'étant évadé de ce mode d'enseignement, je peux enseigner le déchiffrage et l'écriture d'une meilleure façon sans que des abrutis qui n'ont pas étudié la question essaient de me taper sur les doigts. 😝
État des lieux
Les difficultés de l’instrument quant à la lecture de partitions
Sur la guitare électrique et la basse, on peut retrouver plusieurs fois la même note à des endroits différents du manche. On a donc souvent 4 ou 5 possibilités de doigtés pour une même phrase mélodique et le choix instantané du bon doigté peut s’avérer très difficile dans certains cas. Ce choix, si il est mal fait, peut aussi altérer la fluidité de la phrase mélodique ou la texture du son : une même note jouée sur une corde grave, aigue ou à vide, n’aura pas tout à fait la même sonorité (il y a beaucoup d’exemples de guitaristes de jazz ou de bassistes de reggae préférant démancher pour rester sur les cordes graves et garder de la sorte, un son avec du corps).
À noter aussi une opposition entre l’apprentissage rock en tablatures et l’apprentissage classique et jazz plutôt en solfège (beaucoup de guitaristes et bassistes ayant suivi un cursus rock se trouvent en difficulté en entrant dans les classes de jazz des conservatoires à cause de leur faible niveau en lecture soflègique). La tablature pour instrument à cordes dans sa forme basique existe depuis le moyen âge. C’est un système non autonome (dépendant du solfège au moins pour le rythme) qui ne permet pas vraiment la lecture à vue et accentue de par sa différence avec la partition, la difficulté pour le compositeur ou l’arrangeur à écrire pour guitare. C’est pourtant le système de notation le plus répandu pour la guitare électrique et la basse.
Comparatif guitare électrique, guitare basse / instruments à vents en ce qui concerne la lecture
Contrairement à la majeure partie des instrumentistes à vent, le guitariste doit régulièrement quitter la partition des yeux un court instant pour démancher, ce qui peut occasionner quelques problèmes de perte du fil du morceau surtout quand les mesures ne sont pas disposées par 4, 8 ou 16 sur une même portée.
Toujours en comparant aux instruments à vent, le guitariste à chaque fois qu’il change de position, ne va plus avoir les mêmes notes sous les doigts, d’où beaucoup plus de difficulté à adopter une lecture « réflexe » (je vois la note sur la portée, je la joue instantanément).
La tessiture :
2 octaves ½ en moyenne pour les instruments à vent contre 3 octaves pour la basse électrique 4 cordes et 4 octaves pour la guitare électrique 6 cordes.
Les tonalités :
La plupart des morceaux pour ensembles d’instruments à vents sont principalement en Bb majeur et ses tons voisins, c'est-à-dire que les trompettistes, saxophonistes ténor & soprano et les clarinettistes vont principalement jouer en C majeur et ses tons voisins. Les tonalités les plus aisées à la guitare sont G majeur et ses tons voisins, et les tonalités avec # de manière générale puisqu’elles permettent de plus utiliser les cordes à vide que les tonalités en b. Le guitariste de jazz ou désireux de jouer avec une section d’instruments à vent devra rapidement maitriser la lecture en Bb et ses tons voisins.
Comparatif guitare électrique/ guitare basse en ce qui concerne la lecture
Bien que la guitare basse soit utilisable polyphoniquement dans certaines conditions, 95% des partitions de basse seront écrites monophoniquement et la tessiture employée ne dépassera pas la 12e case. De plus, la basse est à 4 cordes dans sa version standard contre 6 pour la guitare, ce qui multiplie les possibilités de doigtés pour cette dernière et accroit la difficulté à déchiffrer.
Savoir lire correctement une partition à la guitare électrique prendra donc plus de temps et de travail qu’à la guitare basse.
A noter que le bassiste de jazz sera également amené à travailler les mélodies en clé de sol sur les partitions de type real book.
Une méconnaissance de l’instrument de la part des compositeurs, arrangeurs
La guitare n’est ni un instrument de l’orchestre symphonique, ni un instrument de l’orchestre d’harmonie, l’écriture pour guitare n’est donc pas étudiée (ou alors juste évoquée) dans les classes d’écriture/composition/arrangement de cursus classique des conservatoires.
Dans les classes d’écriture/composition/arrangement des centres de formation professionnelle aux musiques actuelles et des classes de jazz des conservatoires, on apprend généralement la tessiture de l’instrument, le fait que le partition s’écrive à l’octave supérieure du son réel et on conseille de mettre juste les symboles d’accords, voir les symboles d’accords et les top notes, pour que le guitariste choisisse lui-même des renversements d’accords qui soient jouables. Contrairement aux trilles et successions de notes inconfortables « à ne pas faire » apprises pour certains instruments à vent, les phrasés ou accords inconfortables ou injouables à la guitare (un empilement de 4 tierces par exemple) ne sont pas étudiés en cours d’arrangement.
Le guitariste est donc souvent obligé de corriger les nouvelles partitions, voire parfois de réarranger sa partie pour qu’elle soit jouable.
Les erreurs types des compositeurs et arrangeurs
La mauvaise octave :
La guitare et la basse s’écrivant à l’octave supérieure du son réel, on rencontre parfois certains passages d’une partition écrits à l’octave inférieure c'est-à-dire sous la tessiture de l’instrument. Plus rarement, on peut rencontrer une partie écrite à l’octave supérieure, par exemple le riff final de Bohemian Rhapsody de Queen dans une partition de guitare électrique & orchestre d’harmonie, qui y perd du coup tout son coté rock et y gagne en ridicule :
Le non-respect de la tessiture :
On rencontre parfois des Eb ou D graves dans des partitions de basse 4 cordes ou de contrebasse. Si l’erreur du Eb grave peut être compréhensible (oubli des bémols à la clé lors de la relecture), celle du D grave est de toute évidence une méconnaissance ou un mépris de la tessiture de l’instrument. Ce genre d’erreur n’arrive pratiquement pas à la guitare électrique.
L'oubli de mentionner les passages clairs/saturés/wah wah/slap :
Un oubli qui peut ruiner un arrangement si le guitariste ou le bassiste n'a pas l'intelligence et l'initiative de le corriger. Si ces changements peuvent la plupart du temps sembler évidents, il peut arriver qu'il ne soit pas possible de deviner ce que le compositeur/arrangeur ait voulu faire.
Les parties inconfortables/injouables :
On rencontre parfois des parties rythmiques en accords écrites comme des mains droites de piano, qui ne sont pas sans poser quelques problèmes de confort, ici un extrait d’une partition de guitare d’Earth Wind & Fire pour big band, l’arrangeur veut absolument vous faire jouer 3 notes alors que le guitariste ne joue que les deux plus aigues sur l’enregistrement original, essayer de faire sonner correctement cette rythmique en jouant les 3 notes est très difficile et inconfortable.
Les morceaux composés à la guitare, utilisant les cordes à vide et ensuite transposés/arrangés dans des tonalités pour instruments à vent forcent à faire des acrobaties avec les doigtés et sont particulièrement frustrants.
À quoi ressemble un déchiffrage comme un guitariste / bassiste pro peut en avoir en studio d’enregistrement ?
- La grille pop/rock :
Un bon nombre de musiciens rock ne sont pas lecteurs, et 3 fois sur 4 en séance d’enregistrement on a une simple grille d’accords, avec quelquefois des rythmiques imposées et des « mises en place » rythmiques voire quelquefois aucun autre support que les pistes témoin . Ce mode de fonctionnement très libre oblige le guitariste ou le bassiste à écouter le morceau plusieurs fois pour s’imprégner de l’esprit du morceau avant d’enregistrer, il faut bien sûr au préalable une grande culture musicale et avoir travaillé énormément de styles pour être efficace.
Certains élements rythmiques peuvent être ajoutés sur ce type de grille, ici on peut lire qu'un D majeur doit être joué sur le 4e temps de la dernière mesure du pont.
La partition de jazz de type real book :
La partition de jazz ne comporte qu’une mélodie et des symboles d’accords, le bassiste doit improviser un « walking bass » (contrepoint en noires), le guitariste un « guitar comping » (accompagnement en renversements d’accords avec placement rythmique libre), un « chorus » (solo improvisé) peut être aussi demandé, le jazz étant une musique « live », les instrumentistes enregistreront en simultané, ce qui demande quand même quelques séances de répétition.
les guitaristes électriques et les bassistes devront lire les mélodies en clé de sol et à octave réelle (ou a l'octave inferieure quand la tessiture de la basse ne le permet pas)
La partition de type big-band jazz :
La partition de big-band est l’une des plus difficiles à déchiffrer car elle peut comporter un mélange de parties entièrement écrites (accords ou mélodies), de grilles d’accords sur lesquelles improviser un accompagnement ou un chorus, de mises en place rythmiques assez complexes, et de suites d’accords avec rythmiques imposées. Elle demande elle aussi quelques répétitions avant que l’orchestre puisse enregistrer.
On peut lire ici que sur la première portée l'interprétation rythmique est libre, sur la deuxième en revanche le placement rythmique des accords est imposé.
Ici une partie de guitare avec une mélodie écrite suivie immediatement d'une rythmique imposée en accords (mais avec choix libre des renversements).
Vers une codification de l'écriture rendant les déchiffrages plus faciles et correspondant mieux aux musiques actuelles
Soyons clairs : Il ne sera jamais possible de déchiffrer une partition aussi facilement qu’avec un instrument à vent, on peut toutefois limiter les difficultés du guitariste et lui rendre le déchiffrage moins laborieux.
Adopter une convention d’écriture basse et guitare plus claire pour tous
L’utilisation du 8 sous la clé (8va bassa) que l’on peut par exemple retrouver dans les méthodes et pièces pour guitare classique de Jean-Maurice Mourat, est plus juste et évite les malentendus. Coté compositeur/arrangeur, elle permet de vérifier en un coup d’œil si la transposition à l’octave pour guitare ou basse à déjà été faite et évite les doutes sur l’utilisation de la bonne octave lors de la relecture de l’arrangement. Coté guitariste/bassiste elle permet d’être sur que la partition a bien été écrite pour son instrument et à la bonne octave, mais elle permet aussi de développer les bons réflexes pour le déchiffrage de partitions à octave réelle (comme les partitions de type real-book par exemple) puisque l’écriture de parties aigues se fera avec une clé traditionnelle.
Exemple pour guitare :
Exemple pour basse :
Écrire les portées en respectant les cycles de mesures
(généralement 4 ou 8 mesures par portée) contrairement à un instrumentiste à vent, le guitariste doit quitter la partition du regard si il a de grands démanchés à faire et il peut risquer de se perdre dans sa partition. Même si ce risque est très faible chez les guitaristes de bon niveau, respecter les cycles de mesures donne une partition plus claire et permet de « libérer de la RAM » 😅.
Indiquer les bons doigtés
Pour la plupart des guitaristes/bassistes électriques, l’avantage de la tablature (quand elle est correctement écrite) réside dans le fait d’avoir les positions et les doigtés exacts, or il existe une notation de doigtés et de positions très précise qui est utilisée sur la partition de guitare classique et apparemment ignorée en rock/jazz.
Les positions :
la position est l’emplacement du 1er doigt de la main gauche (l’index) Elle indique le numéro de la case et s’écrit toujours en chiffres romains. Normalement, indiquer la position peut suffire pour un guitariste ou bassiste de bon niveau, mais si le passage est difficile et force à utiliser des doigtés particuliers, vous pouvez indiquer également le doigté main gauche et la corde.
Le doigté main gauche :
tout simplement avec quel doigt de la main gauche jouer la note,
On indique le numéro du doigt de la main gauche avec chiffre arabe :
1 : index
2 : majeur
3 : annulaire
4 : auriculaire
La corde :
on indique la corde à jouer avec un chiffre arabe encerclé
Pour les morceaux à l’origine composés à la guitare utilisant des cordes à vide et réarrangés pour orchestre d’instruments à vent (orchestre d’harmonie ou big band par exemple) qui vont poser des problèmes de doigtés, une des solutions consiste à transformer la guitare en instrument transpositeur en B demandant au guitariste de s’accorder ½ ton en dessous de l’accordage standard, et en écrivant sa partition ½ ton au dessus pour qu’il garde tous ses repères.
Guitaristes, bassistes électriques, comment être prêt à aborder une partition à déchiffrer ?
Pour pouvoir déchiffrer une nouvelle partition en étant relativement à l’aise vous devez maîtriser un certain nombre d’éléments :
Avoir travaillé les tonalités par ordre d’importance et de difficulté
Étude du rock :
C/Am G/Em D/Bm A/F#m E/C#m
Étude du jazz :
F/Dm Bb/Gm Eb/Cm Ab/Fm Db/Bbm
Tonalités plus rares et difficiles :
Gb/Ebm B/G#m F#/D#m C#/A#m Cb/Abm
Mais aussi...
- Au minimum, connaître sur la portée les notes du grave jusque la 12e case sur la 1ere corde de la guitare ou de la basse. Pour les passages au dessus de la 12e case, on préférera la clé à octave réelle, la note sur la portée correspondante à la 12e case se trouvera à la 24e case et vous pourrez donc lire une partition sur toute la tessiture de l’instrument sans dépasser les notes placées 3 lignes au dessus de la portée.
- Connaître les symboles d’accords et pouvoir improviser un accompagnement, transposer un motif mélodique (ligne de basse ou gimmick guitare), faire un chorus, jouer des « mises en place » rythmiques d’accords (ou encore « shout chorus »), sur une grille d’accords. Le guitariste de jazz peut être amené à jouer ses voicings avec les top-notes imposées.
- Savoir ré-arranger sa partie dans le cas où elle serait mal écrite, chiffrer les accords, repérer les positions qui seront le plus confortable pour jouer le morceau, bref, faire la partie du boulot qui n’a pas été faite par le compositeur ou arrangeur.
Pour finir voici des tableaux d'acquis à valider par niveau :