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Les conservatoires, la pire arnaque de ma vie.

Posté le 21 septembre 2025 par Fred.

Des conservatoires j’en ai fait trois dans ma vie, à différentes périodes de ma propre évolution de prof et musicien, à chaque fois ça a été une énorme déception, à chaque fois je me suis dit “bon, je suis mal tombé, peut-être que si j’essaie ailleurs…”, j’ai attendu très longtemps avant d’en parler, j’ai en fait attendu de voir qui des gens qui étaient élèves en même temps que moi allaient y apparaître comme profs et si ils allaient changer les choses ou continuer le massacre…

bannière de Les conservatoires, la pire arnaque de ma vie.

Plat verso

On va traiter ici principalement des CRR (Conservatoire à rayonnement régional), bon à l’époque ça s’appelait CNR (conservatoire national de région), je n’ai pas eu accés aux CNSM de Paris ou Lyon mais vu l’ambiance décrite dans cet article ça n’aurait pas été possible de toute façon, je n’ai pas pu non plus pu faire l’unboxing du CRD (conservatoire à rayonnement départemental), il y en avait un près de chez moi qui qualitativement faisait déjà peur, maintenant il a juste été rétrogradé en école de musique avec des profs qui n’ont aucune sorte de méthode. Bon après je n’ai pas que ça à faire non plus…

Des CRR j’en ai fait deux, le deuxième n’a duré que quelques mois car ayant eu l’expérience du premier j’ai vite vu que ça ne me mênerait nulle part, ce qui m’a frappé entre les deux c’est la différence d’organisation de la classe de jazz : Une audition d’entrée et une semaine organisée avec plusieurs cours differents avec differents profs pour le CRR1 et pas d’audition d’entrée et un gros cours collectif par semaine avec un seul prof dans le CRR2… On pouvait obtenir la même médaille d’or à la fin… Je ne sais pas mais niveau crédibilité de la distinction on peut faire mieux tout de même…

Ce que j’attendais en entrant au conservatoire c’était de prendre des cours avec des pédagogues en constante recherche d’amélioration de leur pédagogie, des chercheurs en pédagogie, des gens qui écrivent des méthodes avec de nouveaux concepts d’apprentissage qui vont influencer les profs des plus petites structures - le tout permettant d’améliorer le niveau général des musiciens du pays, mais aussi des gens capables de me faire atteindre un très bon niveau sur mon instrument. En vérité je me suis à posteriori rendu compte que cette attente était complètement fantasmée de ma part et que ce profil de prof ne represente qu’un prof de conservatoire sur dix. La plupart des profs de conservatoire sont des gens jonglant avec plus ou moins de succès avec des fragments de méthodes écrites par d’autres, pour les profs de section jazz le travail de préparation se limite souvent à faire une photocopie d’un Real Book ou d’un Aebersold, tout plan d’apprentissage, toute structuration des cours sort à la volée (et à l'arrache) de leur tête de “génie” qui se trouve trop supérieur pour avoir à fournir un travail de prof et qui vient donc donner ses cours les mains dans les poches sans aucune préparation.

Comment ça s’est passé pour moi en détail

J’intègre la secton jazz du CRR1 en septembre 1996 après une audition réussie à la basse électrique, à cette époque j’avais parallèlement débuté mon tout premier job de prof de guitare et basse dans l’arrière-boutique d’un magasin de musique et j’ai 110km aller-retour à faire pour aller prendre chaque cours au conservatoire (je me souviens de K7 pour travailler l’oreille ou avec plein de combinaisons de grooves de mesures composées que j’avais composées sur Atari ST  pour ne pas perdre mon temps en conduisant). Grosso-modo tout se passe bien les deux premières années, la principale chose marquante au début est ces petites chemisettes blanches portées par les élèves de la section classique alors que nous en jazz étions vêtus normalement. Le prof de basse me fait acheter une nouvelle basse électrique durant la première année ce qui m’a coûté une certaine somme, je partage un loyer d’appart dans la métropole avec deux saxophonistes en début de deuxième année ce qui m’évite les trajets, j’ai droit à un lobbying pro contrebasse de la part du prof, je me pose des questions sur le fait de commencer la contrebasse à 21 piges alors que j’ai encore plein de choses à apprendre sur la basse électrique et sur la somme de travail à fournir pour les deux instruments mais bon, le prof à l’air de savoir ce qu’il fait et je finis par “péter ma tirelire” sur une contrebasse d’étude, à la fin de la deuxième année et après quelques cours de contrebasse, le prof de basse me présente à la prof de contrebasse classique pour intégrer sa classe (donc là pas d’audition d’entrée).

À noter que j’ai gagné petit à petit une réputation de bosseur, c’est d’ailleurs en ces termes que le prof de basse jazz me presente à celui qui va le remplacer pendant sa tournée de quelques semaines au Japon.

La troisième année commence super bien avec des profs et des autres élèves qui me complimentent sur mes gros progrès réalisés à l’improvisation à la basse électrique durant la pause estivale (on peut s’interroger sur le fait que j’ai pu faire un gros bond en avant précisément au moment où je n’avais pas cours, mais passons…), cette année-là une partie du conservatoire est en rénovation, les cours de basse jazz ont lieu dans une pièce plus petite et sombre, c’est l’année de mon DFE jazz (diplôme de fin d’études) et plus aucune info ne m’est transmise pendant les cours de basse, les cours sont passés à littéralement taper le bœuf avec le prof, à chaque fois après avoir joué, aucun commentaire, aucune remarque, rien… C’était d’autant plus bizarre qu’il y avait ensuite encore deux ou trois années en “médaille” à faire. En plus de ça je me rends compte que le prof me joue tout le temps la même phrase bebop super clichée sur les V7 😓(celle qui fait sonner les deux 9e altérées du V et retombe sur la tierce du I) quand c’est son tour d’improviser et je me demande ce qu’il fabrique.
Le “Mais qu’est-ce qu’ils foutent bon sang ?” est un sentiment qui est né microscopique l’année précédente et qui a grandi progressivement, surtout pendant les cours de “jeu en groupe” ou “atelier groupe”, je me souviens du seul atelier avec le prof de guitare où il m’a complimenté sur mon solo de basse qui était aussi le seul moment de l’année où je m’étais planté dans la grille de Doxy de Sonny Rollins et où j’avais joué complètement au pif… De cours entiers lors de ces ateliers où aucune piste de travail n’était donnée, ma déception devait se lire sur mon visage puisqu’à un moment alors qu’on était près de l’accueil (d’ailleurs tenu avec brio par un monsieur d’origine indienne) le directeur de la section jazz du conservatoire m’a lancé un “Qu’est ce qu’il lui arrive à M. Szymañski ? Il a l’air consterné.” auquel j’aurais pu répondre un “Grumph!” à la Thelonious Monk qui était mon sentiment du moment, mais auquel j’ai répondu “Oh, rien, ça va…”.

Arrive le mois du DFE, bon coté contrebasse classique l’année s’est bien passée, j’ai appris les bases de la technique d’archet, j’ai eu des classes d’orchestre où j’ai pu jouer en orchestre symphonique, je fais ce que je peux avec le stress de passer devant deux jurys le même mois, je passe mon examen avec le prof de contrebasse classique du CRR2 (auteur d’une méthode de contrebasse classique ❤️💪) comme jury qui me lance un “C’était très musical” à la fin, j’ai pas trop compris mais je décide de le prendre bien puisque de toute façon je passe mon année.
Je passe également un examen de solfège classique et la prof de solfège lance à sa collègue “T’as vu ?” en plein milieu de ma lecture de notes, pas cherché à comprendre, ses cours étaient ultra robotiques et froids, sa réponse à un éventuel “Qu’est-ce qui se passe ?” de ma part aurait été moisie de toute façon.

Durant ce mois, à plusieurs jours d’intervalle deux élèves differents de la classe de jazz dans les classes supérieures me font la remarque “roh, toi ils vont te faire sauter un an, tu vas être en (section) médaille avec nous l’année prochaine !“, sauter un an me paraissait un peu gros mais obtenir mon DFE me paraissait complètement naturel puisque je jouais déjà régulièrement avec d’autres élèves des classes supérieures et qu’ils avaient l’air plutôt contents de mon travail, de plus à part un petit déchiffrage quand j’ai obtenu les morceaux imposés, mon prof d’instrument ne s’est pas interessé du tout à la préparation de mes morceaux de DFE, il m’a juste lancé un mois avant le jury un “Bon tes morceaux pour le DFE on ne vérifie pas, c’est bon ? ” auquel jai répondu “oui ça devrait aller”, toute cette ambiance me laissant sous-entendre que l’obtention de ce DFE coulait de source.

Arrive le 22 juin 1999…

Je passe devant le jury en accompagnant d’autres élèves dans des groupes (trois ou quatre de mémoire) formés quelques mois à l’avance spécialement pour l’occasion donc le jury me voit et m’entend plusieurs fois tenir un tempo et jouer “à la régulière”.

Arrive mon passage avec mon trio (sax ténor, basse électrique, batterie) avec lequel je joue depuis plusieurs années, aucune consigne stylistique n’a été donnée pour cet examen donc comme prévu  je joue mon truc, mon truc à ce moment c’est une passion énorme pour les polyrythmes, on en bossait d’ailleurs avec le directeur de la section jazz du conservatoire (batteur) en atelier rythme, à cette époque, à part mes deux grosses influences de toujours, John Coltrane & Thelonious Monk, j’étais très influencé par le trio de jazz belge Aka Moon, la période un peu plus jazz rock du groupe de metal Meshuggah, le second quintet de Miles Davis avec le jeu de batterie de Tony Williams, l’interraction rythmique entre John Coltane et Roy Haynes (Newport ‘63), le concept d’interplay développé par le Bill Evans trio qu’on arrivait pas mal à reproduire avec le trio mais aussi un article de Steve Vaï écrit en 1983 intitulé “Tempo mental” qui traitait de la subdivision du temps, de cet article j’avais commencé à développer une technique où par exemple un quintolet de croches devenait un nouveau tempo parallèle sur lequel on pouvait appliquer différentes formules rythmiques, donc ça équivalait à improviser sur un tempo complêtement différent mais en respectant les changements harmoniques qui ont lieu sur le tempo originel, ça donnait vraiment l’impression de faire fonctionner deux cerveaux en même temps et je m’éclatais à jouer ça !
On a joué E.S.P de Miles Davis avec un thème joué à la basse tout en harmoniques doublé par le sax ténor, on a également dû jouer 26-2 de John Coltrane et un standard imposé basé sur une grille de blues (de mémoire).

Après ça il y a eu un entretien avec le jury en présence du directeur de la section jazz du CRR1, on m’a posé tout un tas de questions dont je ne comprenais pas la finalité, je me souviens de quelques dialogues:

  • - “Tu joues dans des groupes ?”

  • - “Je joue dans 11 groupes” (bien sûr j’avais compté les groupes éphémères pour passer les exams et les quelques projets où il n’y avait pas besoin de répets)

  • - “Oulah c’est beaucoup ça, il faut se reposer hein” (ou une phrase du même style)

  • - “T’écoutes quoi comme style de musique ?” (question la plus conne du monde à poser à un musicien, là j’ai eu peur du “racisme” stylistique et j’ai répondu…)

  • - “De tout” (réponse la plus conne à répondre à la question la plus conne = retour de foutage de gueule mais j’ai pas vraiment fait exprès) 

  • - “Même du contemporain ?”

  • - “oui, oui”

  • - “t’écoutes qui en contemporain ?” (alors là j’avais justement une cassette de György Ligeti dans l’auto-radio depuis une semaine et j’étais en train de découvrir le compositeur, je sors:)

  • - “Ligéri” (La fatigue, 11 groupes, musique toute la soirée dehors la veille pour le 21 juin, dormi sur un matelas pneumatique, on me reprend sur le nom du compositeur et l’entretien continue)

  • - “Qu’est ce que ça veut dire E.S.P ? Pourquoi tu as choisi de jouer le thème en harmoniques ?”

            Bon, je sens bien qu’on me tend la perche pour les emmener dans le monde féérique du baratin, mais j’ai plutôt eu envie de leur demander si ils étaient de la police… Je me suis contenté de réponses courtes.

L’entretien se termine et là on me dit “On ne va pas te le donner parce que tu n’as pas le niveau”, aucun commentaire sur mon jeu, aucun détail, aucune justification, aucun points ou défauts à améliorer, aucune piste de travail, keutchi, wallou, nada, rien.
Alors là j’ai une coulée de larmes instantanée parce que je m’attendais à tout sauf à ça, et ils mettent ça sur le compte de la fatigue parce qu’ils ne comprennent pas que j’ai déjà pas eu accès à la fac de musico parce que j’ai jamais passé le bac et que là sur le coup j'ai pensé que je n’allais pas non plus pouvoir continuer à étudier le Jazz (et franchement je me contrefichais des diplômes, je voulais juste continuer à apprendre).

Bon, je sors de la salle, je réflechis dix bonnes minutes et je me dis que je ne vais pas redoubler mon année alors qu’il ne se passe absolument plus rien en cours d’instrument.
En fait ce jury a aussi démonté pas mal d’élèves de la section jazz qui jouaient plutôt bien dont un pianiste qui passait sa médaille et dont tout le monde pensait qu’il allait avoir une médaille d’or qui n’a eu qu’une médaille de vermeil (qui s’est magiquement transformée en médaille d‘or avec unanimité du jury quand il est devenu prof dans ce conservatoire quelques années plus tard, sûrement parce que ça faisait tâche, vive le révisionnisme🙄).

C’est l’hécatombe et aucun débriefing n’est organisé par la direction de la section jazz du conservatoire, aucune excuse, aucun mot rassurant, silence radio.

À la rentrée j’apprends par le saxophoniste de mon groupe qu’une grande réunion d’information va être organisée dans l’amphi du conservatoire, je ne suis plus inscrit en jazz mais je me faufile à l’intérieur, d’ailleurs le directeur de la section jazz en me voyant me dit que je ne me suis pas réinscrit, je lui réponds que je viens pour m’informer et j’entre dans l’amphi.
Au programme refonte de tout le cursus avec deux ou trois années ajoutées, des cours supplémentaires avec un ou deux nouveaux profs, toujours zéro mea culpa, excuse, que dalle. Bon là je me dis que de toute façon ça allait être le même calvaire en plus long et je ne regrette pas mon choix.

On continue de bosser avec mon trio principal avec des répets et des concerts mais le batteur est de plus en plus absent, le saxophoniste et moi pensons qu’il essaye d’intégrer d’autres projets musicaux sur Paris, on lui laisse du temps, mais on apprend en décembre 2000 qu’il a mis fin à ses jours (honnêtement je pense toujours 25 ans après que ce jury “à la con” devant lequel il est lui aussi passé a pesé dans son mal-être)…  

Je continue les cours de contrebasse classique dans ce même conservatoire, mais les cours de solfège façon robot m’agacent plus qu’ils ne me font progresser, de plus, ils sont le mercredi après midi, bloquant tout un mercredi après midi de cours de guitare que je pourrais donner (parce qu’il faut gagner sa vie hein) dans une école de musique à 60km de là, naïvement j’envoie un courrier de demande de dispense de cours de solfège au directeur du conservatoire (ne faites pas ça chez vous les enfants ! 😅) pensant que ça allait établir un dialogue et qu’éventuellement on me mettrait dans un autre cours à un autre horaire.

Aucune réponse mais au cours de contrebasse suivant la prof me raconte que suite à mon courrier le directeur a piqué une crise dans son bureau en faisant des grands gestes… A ce moment précis je me dis que j’en ai marre de cette bande de tarés et comme c’est le dernier cours avant des petites vacances scolaires je décide de ne pas revenir à la reprise.

A peu près deux ans plus tard j’ai un ami batteur qui a à son tour intégré le CRR1 en tant qu’élève qui me dit que le directeur de la section jazz a prononcé lors d’un de ses ateliers rythmes sur les polyrythmes  “[...] Il y a quelqu’un qui se débrouille bien avec ça, c’est Frédéric Szymañski” ce qui a eu l’effet de remuer le couteau dans la plaie, quelques mois plus tard, toujours par la même personne probablement gênée d’être arrivée plus loin que moi dans le cursus tout en faisant des études de pédicure-podologue, j’ai eu droit à un “[...] En fait, le problème avec toi au conservatoire c’est que tu as trop travaillé” ce qui m’a mis complètement KO mentalement, comment quelqu’un peut-il être recalé en bossant trop ?

J’ai mis 3 ans au total pour comprendre que rien de ce qui m’était arrivé n’était ma faute, pourtant tous les indices etaient là : les autres bons éléments eux aussi démolis lors de cet examen, la refonte totale du cursus à la rentrée suivante qui est une forme d’aveu… Mais surtout je l’ai compris en commençant mon long travail d’amélioration de mes cours de guitare et basse en tant que prof en école de musique.

Les années passant je me dis que peut-être tous les conservatoires ne sont pas des asiles de fous et j’entre au CRR2 en classe de jazz à la guitare 8 cordes (parce que momentanément dégoûté de la basse électrique mais aussi parce que la guitare 8 cordes me passionne) en septembre 2005 (J'ai d'ailleurs eu en m'inscrivant une discussion avec le directeur du conservatoire au sujet du CRR1 dans son bureau qui faisait la taille d'une salle de classe entière et qu'il partageait avec la secrétaire), bon là un seul cours et un seul prof, toujours quelques bons conseils mais aussi toujours aucune structure dans le cursus, parfois certains élèves ne viennent pas car ils ont des concerts et donc je me retrouve seul à jouer avec le prof qui est un prof de sax mais qui pour l’occasion se met au piano… À cette époque j’ai un ami percussionniste qui me raconte avoir accompagné un autre élève pour son passage de médaille dans ce conservatoire et prétend que le prof aurait profité de l’occasion pour lui donner une “Médaille d’or d’honneur”, je ne sais toujours pas si c’était un bobard mais ça a tout de même ajouté à la déjà lourde décrédibilisation des conservatoires et de leurs diplômes/prix à mes yeux.
La comparaison entre le travail que je fournis pour élaborer mes propres cours et les cours sans préparation apparente du prof me plonge de nouveau dans un état de consternation, mais comme j’ai déjà vécu ça j’arrive beaucoup plus à passer outre. Le prof annonce en décembre qu’il part en janvier (apparemment muté, c’est complètement con alors que l’année scolaire est déja entamée d’un trimestre mais bon, on n’est plus à une connerie près), ne voyant pas trop comment ce conservatoire pourrait m’apporter plus que ce que je fais seul, j’en profite me muter chez moi également.

Les conservatoires plus petits

Bon ici je vais éviter les détails et les anecdotes car les profs de CRC (j’en ai d’ailleurs eu quelques uns comme élèves) n’ont pas le même pouvoir de nuisance que les profs de CRR et certains semblent même être dans une situation de précarité. Pour le conservatoire à rayonnement communal / intercommunal, qu’il soit selon la qualité de son niveau d’organisation une école de musique “qui se la pête” ou un CRD en devenir, on peut y noter une surreprésentation de profs étrangers avec potentielle exploitation du fait de la non-équivalence de leurs diplômes avec les diplômes français (sous-rémunération, plus d’heures travaillées, tâches de dumiste, musico-périscolaire), obligation de passer cette arnaque immonde qu’est la VAE (validation des acquis d'expérience, 780€ à payer à chaque tentative, des conditions de validation par le jury plus qu’opaques avec de bons profs qui échouent et sont obligés de le repasser l’année suivante… Plusieurs fois ! Et des gens qui ont une bonne activité scénique mais pas du tout la fibre pour être prof qui l’obtiennent plus facilement) pour accéder à un salaire équivalent à la fonction. Cette surreprésentation n’est que la partie visible d’un système où de bons professeurs (étrangers ou français d’ailleurs) se heurtent à un plafond de verre avec tout ce que cela implique (limitation de leur revenus, limitation du partage de leurs connaissances).

Mon analyse par rapport à l’ensemble de mon vécu

Ma critique va porter sur le CRR car les CNSM en france il n’y en a que deux et si vous passez par un CRR pourri et qu’en plus vous n’avez pas les contacts, c’est même pas la peine d’y penser. Les profs de CRD et de CRC sont en général d’anciens élèves des CRR et souvent “singent” la manière d’enseigner des profs de CRR donc c’est bien ici que tout se joue, ici qu’il faut régler les problèmes.

Les diplômes, distinctions et le système de jury

Comme j’ai pu moi-même le constater des CRR donnant la même distinction ont des cursus complètement différents, le nombre d’heures de cours et de profs peuvent être divisés par 5 - ce qui me questionne sur la valeur du dit diplôme.

J’ai également pu croiser dans ma vie de musicien des gens médaillés d’or à 16 ans (notamment en début de carrière une prof de flûte traversière qui n’était pas capable de faire des croches régulières sur une guitare classique en cours avec moi et qui s’est vexée), d’autres à peine plus vieux à qui le jury a dit “on ne peut pas te donner la médaille car tu es trop jeune” (je n’ai aucun moyen de savoir si c’était vrai mais ça m’a été rapporté comme vécu par deux musiciens différents), mais aussi des gens d’un certain milieu social qui ont eu des médailles d’or et n’ont pas du tout musicien ou prof d’instrument comme métier (Il faut tout de même noter la surreprésentation de prénoms composés, qui sont tout de même des marqueurs sociaux, chez les personnes qui obtiennent cette distinction), d’excellents musiciens ou profs d’instrument qui n’ont jamais mis les pieds dans un conservatoire.
Le système de jury extérieur est sur le papier censé être le summum de la neutralité et de l’impartialité mais dans la pratique un prof qui évalue ses propres élèves va évaluer leur travail, un prof qui évalue les élèves d’un autre prof va évaluer leur travail plus le travail de leur prof, et dans ce cas un élève qui a bossé dur mais a eu un mauvais prof va fatalement se faire démolir par un jury extérieur.

(J’ai moi-même été confronté à ça en jury d’examen de guitare classique dans une école de musique voisine avec une personne qui ne faisait aucune interprétation, pas de micro nuances, pas de micro ralentissements, pas de touche personnelle et des nuances écrites très peu prononcées en jouant la pièce, ce qui n’était pas acceptable par rapport au niveau de l’examen, je savais très bien que c’était dû au prof dont je connaissais bien la façon de travailler mais je n’ai pas pu lui donner la moyenne, la personne qui a pensé bien travailler en faisant ce que son prof lui avait conseillé doit certainement toujours m’en vouloir…) 

De plus et encore une fois, quelle est l’utilité ou l’efficacité d’un jury extérieur si les conservatoires n’ont pas tous le même cursus ?

Tout ce système me laisse quand même un sale arrière-goût d’arbitraire et de petits rois qui choppent une érection de papy qui prend du viagra en décidant avec des critères imaginaires (une grille d’évaluation pour l’examen qu’on peut éventuellement montrer à l’élève c’est dur à faire ? Des conseils pour les élèves qui sont recalés et qui pourraient au passage prouver que l’évaluation n’est pas bidon ça donne des écorchures ?) qui peut ou ne peut pas continuer à étudier la musique tel un Dewey avec son “Toi tu vis, toi tu vis, toi tu crèves !” dans la série Malcolm…

Le contenu et le déroulement des cours

Dans neuf cas sur dix le prof de conservatoire vient bosser les mains dans les poches, le seul travail fourni étant de photocopier une ou deux feuilles de méthodes ou de jongler avec des fragments de méthodes ou morceaux (bien souvent la décision de bosser tel ou tel exercice ou morceau est prise sur le fil, pendant le cours, donc sans aucun plan préalable), alors, respect infini aux rares profs de conservatoire qui fournissent un réel travail pédagogique, qui écrivent des méthodes et élaborent des VRAIS cursus 💪 mais force est de constater que la plupart du temps on a droit à des cours complètement désorganisés et/ou improvisés sur le fil ou très bien sur un sixième du cursus puis le vide total.
Je me souviens des cours d’instrument dans le CRR1 où le seul travail de préparation du prof a été une photocopie d’une double feuille écrite de sa main concernant le travail des gammes donnée en début de cursus, on peut éventuellement compter une transcription de SA ligne de basse jouée sur un morceau qu’il m’avait très modestement présentée comme un exemple de très bon walking bass, en vérité c’était une ligne de basse tout à fait générique sur un blues en F, mais c’est tout ce que j’ai eu comme preuve palpable du travail de ce prof en trois ans de cours… Le reste du temps il passait 5 bonnes minutes pendant mon cours à feuilleter et choisir le morceau suivant à bosser dans un Real Book ce qui me choquait à chaque fois… Classer les morceaux des Real Books les plus connus par difficulté ça prend quoi? Une semaine de travail… Cette personne après plus de 10 ans à enseigner en conservatoire n’avait pas de plan, n’avait pas optimisé son travail de prof.

Ce qui était criant aussi c’était le désintéressement total de la basse électrique, on a bossé en cours d’instrument du Ray Brown, du NHØP et quelques autres contrebassistes mais il m’a par exemple fallu un atelier groupe avec un prof saxophoniste pour pouvoir bosser du Weather Report avec Jaco Pastorius à la basse, j’aurais tendance à croire qu’un prof bienveillant aurait eu le courage de me dire “Écoute la basse électrique c’est pas mon truc, voici des adresses de bons profs de basse électrique qui vont te permettre d’approfondir”, mais non là j’ai eu droit à une mort lente des cours de basse électrique au profit des cours de contrebasse. 

Bizarrement dans les gens qui ont réussi à obtenir des médailles les années précédentes il y en avait pas mal dont on entendait dire qu’ils allaient prendre des cours super chers sur Paris ou Bruxelles, ça ressemble beaucoup au gimmick que l’on peut retrouver parfois dans l’éducation nationale avec des équipes pédagogiques qui s’auto-félicitent goulûment alors que les élèves réussissant les concours sont issus de familles qui ont les moyens de se payer les meilleurs profs particuliers et que la majeure partie des gens se contentant de leurs cours ont un mal de chien à les réussir…       

Ce concept de “spécialiste” qui pense n’avoir besoin de rien préparer peut faire illusion dans un conservatoire car la plupart des élèves ont passé un concours d’entrée, sont ultra motivés et bossent par eux-mêmes (comme en faculté, les personnes non motivées abandonnent de toute façon d’elles-même en cours de première année), le prof agissant plutôt dans ce cas comme un conseiller, mais là où le bât blesse hormis la non efficacité des cours, c’est que cette façon “d’enseigner” va ensuite avoir tendance à être copiée dans des établissements plus petits où on se retrouve de plus en plus avec des professeurs d’instrument qui ne préparent pas non plus leurs cours ou donnent carrément des cours à l’arrache… Car non, à aucun moment du cursus on ne vous forme à enseigner alors que l’enseignement va constituer au minimum la moitié de votre travail de musicien professionnel.

Je crois que la phrase ultime du prof feignasse est “C’est à vous de bosser, faites des transcriptions de chorus les mecs !”, effectivement il faut faire des transcriptions pour se former l’oreille et apprendre un language musical mais scoop : Passer au préalable par une période où on déchiffre et travaille des chorus correctement relevés (donc par le prof qui aura dû fournir un travail) permet de s’aiguiser l’oreille afin d’avoir une douce transition jusqu’à commencer soi-même à retranscrire des fragments de chorus puis des chorus entiers.

Les cours de groupe, jeu en groupe et autres ateliers de pratique collective sont malheureusement bien souvent dirigés par des profs d’instruments bien trop “spécialistes“ de leur instrument pour pouvoir conseiller efficacement des élèves jouant d’autres instruments, ces conseils cross-instruments ont souvent été les pire que j’ai jamais entendu, ici des profs poly-instrumentistes pourraient faire un super travail mais bon en France quand on joue de plusieurs instruments ou de plusieurs styles complètement différents on est considéré comme un “bricoleur” (prenez ça dans vos dents Prince et Stevie Wonder ! 🤜). Ici aussi un travail du prof avec de la préparation d’exercices relatifs au morceau étudié au lieu de juste faire des photocops des bouquins de Jamey Aebersold aurait été la moindre des choses.

C’est ce cliché de musicien complètement nombriliste (Moaaaaa, ma carrièèèèère) et qui ne cherche pas à fournir la meilleure formation à ses élèves, utilisant les écoles, les centres de formations ou les conservatoires comme de l'alimentaire qui provoque chez moi un dégoût total et a entraîné un boycott d’abord inconscient jusqu’à maintenant totalement assumé des autres musiciens de mon secteur et ça fait 20 ans que ça dure...

J’ai également eu des élèves qui ont tenté et réussi l’audition d’entrée au CRR1, ont arrété les cours avec moi, y sont restés un ou deux ans, puis plus aucun signe de vie musicale, dont un qui m’a envoyé un message quelques mois après avoir arrété le conservatoire juste pour me dire que s'il reprenait des cours de guitare un jour ce serait avec moi.
Je ne peux pas m’empêcher de croire que s'ils avaient juste continué mes cours ils auraient eu un meilleur sort sur le plan musical

Le “racisme” stylistique

Une chose super marquante qu’on retrouve un peu partout mais en surdose au conservatoire c’est la discrimination stylistique, grosso-modo si vous passez des heures à répéter du jazz, retranscrire des morceaux de jazz, parler avec passion de grands musiciens de jazz avec une personne et que cette personne se rend compte que vous écoutez aussi du hip-hop et bien tout votre jazz s’annule et vous devenez “le rappeur”...
Ce phénomène je l’ai appelé “la vengeance des monotâches” où une personne centrée sur un seul style de musique va vous dénigrer car vous en aimez/pratiquez plusieurs et où une personne ne jouant que d’un instrument va vous dénigrer car vous en jouez/étudiez plusieurs, ce phénomène s’étend même parfois à la tenue vestimentaire qui doit impérativement correspondre au style de musique.🙄

Cette mentalité “Je ne sais faire qu’un truc donc je suis forcément meilleur à ce truc que toi” ou “Je ne sais faire qu’un truc donc si tu sais en faire plusieurs tu n’es pas authentique” qui me fait maintenant beaucoup rire était assez difficile à supporter vers 20/25 ans.

Donc moi qui aime la musique toute entière, j’ai eu droit pendant mon cursus à des profs de batterie et intervenants musique afro-cubaine qui se foutaient de la gueule des batteurs de rock en jouant super fort comme des gros mongoliens, des remarques et des piques du genre “c’est pas des cours de metal ici” en cours d’instrument lorsqu’on essaye de jouer quelque chose d’un peu différent de d’habitude, des cours de chant lyrique où on te fait un speech sur la tenue vestimentaire pendant la moitié de la séance, du “vous les musiques actuelles” pendant mes études classiques, du “vous en rock vous chantez dans des micros donc vous n’avez pas de voix” (poncif à deux balles basé sur rien bien entendu) avec ma voix de baryton qui a fait trembler les murs au cours suivant (bien entendu), des “oh lui, il est peut être bon en [autre instrument que soi] mais en [même instrument que soi] il n’est pas terrible” par d’autres élèves ad nauseam.

Cette attitude est vraiment accentuée chez les profs de conservatoire, c’est-à-dire chez les profs de musique “morte” (dans le même sens que “langue morte”), alors qu’ils devraient vous accueillir à bras ouverts car vous vous intéressez et partagez cette passion pour leur monostyle, ils vous mettent dans des cases qui ne sont pas les leurs afin que vous ne vous sentiez pas chez vous, certains poussent même leur bêtise à vous demander ce que vous faites là et quel est votre but en prenant des cours avec eux car ils ne peuvent pas concevoir que l’on ait envie d’étudier des styles totalement différents avec la même passion.

Ce genre de discrimination ne s’arrête toutefois pas au conservatoire, j’ai notamment eu des musiciens de metal qui m’ont qualifié de “musicien classique” juste parce que je lis des partitions (toujours mettre les gens dans des cases qui ne sont pas les siennes), des chroniqueurs de webzines de metal qui ne voulaient pas chroniquer un “morceau de jazz” et des chroniqueurs de jazz qui m’ont dit “mais c’est du metal ça ???” pour exactement le même morceau. 💀

Bon je ne vais pas m’épancher sur les styles vestimentaires relatifs aux styles de musique, après tout libre aux gens de ressembler à des gros clichés sans aucune personnalité, mais justement, pourquoi certains veulent-ils imposer leur cosplay aux autres ? Et surtout qu’est-ce que la tenue vestimentaire change au son, à la musicalité ? Leur prestation musicale est-elle tellement mauvaise qu’ils aient besion d’un déguisement pour avoir l’air plus authentique ?

Le vide post-conservatoire

Comme à plus petite échelle les écoles de musique ou les stages de formation pro, le conservatoire déforme et donne une idée faussée de ce que va être votre métier de musicien professionnel, en quittant le conservatoire, cette image d’Épinal d’abondance à la fois de bons musiciens, d’endroits où jouer et de lieux où rencontrer d’autres musiciens fait petit à petit place à une autre réalité beaucoup plus vide. Il y a bien les jam sessions vous allez me dire, mais les lieux et les horaires des quelques jam sessions correspondent mieux à des étudiants de métropole plutôt qu’à des professionnels de la musique qui commencent à bosser leurs instruments à 8h pétantes tous les matins et finissent de donner des cours à 22h…

Mes discussions avec des profs de conservatoire

J'ai pu avoir des discussions étranges mais révélatrices avec des profs de conservatoire, il faut savoir que j'ai dans mon secteur des profs de guitare rock qui donnent des cours complètement à l'arrache (d'après les élèves que j'ai récupérés) et qui qualifient mes cours d'élitistes sans en connaître le contenu, si mes méthodes sont si longues c'est justement pour démarrer de très bas et avoir une progression continue tout au long du cursus, on commence par exemple le répertoire par des comptines ce qui n'a vraiment rien d'élitiste ou inaccessible...
Mais revenons-en aux profs de conservatoire, il m'est arrivé deux fois dans des discussions portant sur la pédagogie à peu près la même chose c'est à dire :
1 Être mis automatiquement dans la case "prof de guitare rock à deux balles qui donne vite fait des cours en tablatures sans queue ni tête" complètement gratuitement.
2 Mettre plusieurs échanges (faut le temps que ça monte au cerveau je ne sais pas...) à faire comprendre à la personne que mes cours sont en lecture solfègique, que j'ai écrit plus de 4000 pages de méthodes et que ça m'a coûté plus de 6 ans de ma vie.
3 Une fois ces éléments intégrés par la personne, la discussion fait un 180° et je passe directement du statut de p'tit rigolo à maboule élitiste qui en fait trop avec un changement radical d'argumentaire pour se caler sur le même argumentaire que les gens de début de paragraphe.🤪
C'est à dire que la mentalité de prof de conservatoire qui des années auparavant n'a pas été capable de respecter mon travail d'élève et de musicien n'est pas non plus capable de respecter mon travail de prof, la mauvaise foi de ces gens...

sÉ vIeUx sa lE cOnSeVaToIre IL A bEauCouP cHaNgé lol

Exactement, Jordan-John-Wayne III Delabuissonnière, on peut être un prof de conservatoire médiocre qui ne sait pas préparer des cours et mettre des gens dan la m… en toute impunité toute sa vie car hier ne compte pas n’est-ce-pas ?
Ici pas de devoir de mémoire…

On peut en tant que jury d’examen décider complètement “au feeling” de faire passer ou bloquer des gens, générer d’autres profs de conservatoire singeant de plus en plus grossièrement avec le temps qui passe le restant de pédagogie efficace dont faisaient preuve leurs maîtres.

Il faut réfléchir deux minutes, ça n’est pas les gens diplômés par ce système favorisant l’arbitraire et la reproduction sociale qui vont le remettre en question, le rendre plus juste, ça n’est pas dans leur intêret.
Pour révolutionner le conservatoire il faudrait enseigner aux élèves à enseigner mais pour ça il faudait tout d’abord qu’on passe au dessus des 1 prof de conservatoire sur 10 sachant réellement enseigner, c’est pas gagné… 

Alors on peut à l’aide d’argent public enjoliver les choses, changer des appellations, rallonger des cursus en faisant toujours la même chose, mais le but ne sera toujours pas d’enseigner ou de former le mieux possible et en toute bienveillance des gens à vivre de la musique, le DNEA/DNEM de 2025 apportera sûrement un peu plus d’uniformité entre les établissements mais il ne faut pas rêver pour ce qui est d'arrêter de créer des inégalités de toute pièce.

bannière de Les conservatoires, la pire arnaque de ma vie.

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