
Posté le 29 octobre 2016 par Fred
Posté le 4 octobre 2025 par Fred.
La musique carnatique est la partie la plus connue de la musique classique indienne, je vais essayer d'en expliquer les fondamentaux, comme toujours pour un article on ne pourra pas entrer dans toute la complexité, si vous voulez approfondir il vous faudra prendre des cours avec des spécialistes.
Shruti a une signification similaire à ton/tonalité en français, ce mot va être utilisé à la fois pour signifier la tonalité d'un morceau mais aussi la justesse de vos notes.
Le Shruti est affirmé par un instrument jouant tonique, quinte et octave sous la forme d'un bourdon (ou drone en anglais), le plus souvent un Tanpura तंबूरा, mais aussi une Shruti box सुरपेटी ou encore un Electronic tanpura इलेक्ट्रॉनिक श्रुतिपेटी (ce dernier servant plutôt à la pratique amateur qu'aux concerts).
Le bourdon peut parfois être accordé différemment, la première corde (la plus aigue) du Tanpura peut varier en fonction du Râga pour devenir une quarte juste ou une seconde majeure à la place de la quinte.
Le choix de la hauteur du Shruti est déterminé principalement par l'instrument ou la tessiture de voix du soliste.
Les voix de femmes ou enfants ont souvent un Shruti compris entre G et Bb,
les voix d'hommes un Shruti compris entre C et Eb,
le Bansurî बाँसुरी (flûte indienne) est beaucoup autour de E,
le violon et le Shehnai शहनाई (hautbois indien) sont souvent autour de D,
le Sarod सरोद (luth indien) autour de C,
le Sitar सितार (luth à manche long indien) souvent en C# ou G#.
Le Shruti peut également parfois être choisi entre deux notes de la gamme chromatique par rapport à diapason à 440Hz (par exemple entre Eb et E pour le violon).
Les Swaras sont tout simplement les notes, ces notes vont avoir des noms qui ne correspondent pas directement à nos notes occidentales (do ré mi fa sol la si ou C D E F G A B) mais plutôt aux intervalles qu'ils représentent par rapport au Shruti (par exemple le Swara pa correpond à une quinte juste par rapport au Shruti et portera toujours le même nom "pa" alors que sur un Shruti de G il sera un D et sur un Shruti de E il sera un B).
Il existe 7 Swaras de base :
Nom complet abbréviation verbale abbréviation de notation intervalle par rapport au Shruti
Shadjam sa s unisson
Rishabham ri r seconde
Gantharam ga g tierce
Madhyamam ma m quarte
Panchamam pa p quinte
Daivatham da d sixte
Nishadham ni n septième
Ces 7 Swaras se déclinent en 12 pour obtenir la totalité de la gamme chromatique :
Shadjam sa s unisson (invariable)
Shudda Rishabham ri1 r1 seconde mineure
Chatusruthi Rishabham ri2 r2 seconde majeure
Saadarana Gantharam ga2 g2 tierce mineure
Antara Gantharam ga3 g3 tierce majeure
Shudda Madhyamam ma1 m1 quarte juste
Prati Madhyamam ma2 m2 quarte augmentée
Panchamam pa p quinte juste (invariable)
Shudda Daivatham da1 d1 sixte mineure
Chatusrurhi Daivatham da2 d2 sixte majeure
Kaisiki Nishadham ni2 n2 septième mineure
Kaakali Nishadham ni3 n3 septième majeure
Ensuite pour les mêmes raisons qu'en occident on utilise des double dièses et des double bémols c'est à dire ne pas avoir deux fois le même nom de note dans la même gamme, 4 Swaras viennent s'ajouter formant un total de 16 Swaras :
Shudda Gantharam ga1 g1 tierce diminuée (correspond enharmoniquement à r2)
Shatsruthi Rishabham ri3 r3 seconde augmentée (correspond enharmoniquement à g2)
Shudda Nishadham ni1 n1 septième diminuée (correspond enharmoniquement à d2)
Shatshruthi Daivatham da3 d3 sixte augmentée (correspond enharmoniquement à n2)
Donc pour récapituler les 16 Swaras :
sa ri1 ri2(ga1) ga2(ri3) ga3 ma1 ma2 pa da1 da2(ni1) ni2(da3) ni3
Similairement aux signes 8 que l'on peut trouver au-dessus (ottava alta) ou en dessous (ottava bassa) des clés en écriture occidentale, les Swaras peuvent comporter un point au-dessus ou en dessous de leur lettre pour indiquer l'octave.
Pour ce qui est du chant les Swaras descendent rarement durant un même morceau au dessus d'une demie-octave sous s ni ne montent au-dessus d'une demie-octave au delà de ṡ (soit de p̣ à ṗ).
Les Râgas sont des modes qui ont une forme ascendante Arohana आरोह et une forme descendante Avarohana अवरोहणम्.
Selon la classification créée par Venkatamakhi au XVIIe siècle, il existe 72 Râgas melakarta (modes parents) pour les Râgas à 7 notes qui peuvent donner des milliers de Râgas janya (modes enfants/dérivés).
Certains Râgas janya ont les intervalles qui les composent et/ou des notes omises et/ou les Gamakas गमक (ornements) qui diffèrent selon leur forme ascendante et descendante, les Râgas melakarta sont quant à eux tous des Sampūrṇa rāgas संपूर्ण (complets) c'est à dire qu'ils utilisent 7 Swaras dans les deux formes.
Certains Râgas peuvent aussi avoir des Swaras sur lesquels insister et des fragments mélodiques à placer dans une improvisation.
Les 72 Râgas melakarta sont classifiés par 12 groupes de 6 Râgas appelés Chakras.
Le Râga Mayamalavagowla est le 15e Râga melakarta (Agni Chakra) et est le premier Râga enseigné aux débutants en musique carnatique probablement car le premier tétracorde Purvanga et le second Uttaranga sont identiques et que les formes ascendantes et descendantes le sont également.
En voici la structure :
Arohana S R₁ G₃ M₁ P D₁ N₃ Ṡ
Avarohana Ṡ N₃ D₁ P M₁ G₃ R₁ S
Soit en intervalles occidentaux:
T 2m 3M 4j 5j 6m 7M O
Ce qui donne en écriture solfègique avec un Shruti de G :
Le Râga Śankarābharaṇa de son nom complet Dhīraśankarābharaṇaṃ est le 29e Râga melakarta (Bana Chakra) et c'est également le premier Râga enseigné aux débutants dans la branche Hindustani de la musique indienne qui a les memes bases que la musique carnatique.
Ce Râga correspond à notre mode ionien c'est à dire une gamme majeure occidentale jouée sur un bourdon.
En voici la structure :
Arohana S R₂ G₃ M₁ P D₂ N₃ Ṡ
Avarohana Ṡ N₃ D₂ P M₁ G₃ R₂ S
Soit en intervalles occidentaux:
T 2M 3M 4j 5j 6M 7M O
Ce qui donne en écriture solfègique avec un Shruti de G :
En musique carnatique, le système Graha bhedam est un système équivalent à celui qui nous permet de décliner 7 modes à partir de la gamme majeure, on peut donc obtenir des Râgas qui ont la même échelle que le Râga Śankarābharaṇa mais avec une tonique différente.
Śaṃkarābharaṇaṃ #29 équivaut à ionien
Kharaharapriya #22 équivaut à dorien
Hanumatodi #8 équivaut à phrygien
Kaḷyāṇi #65 équivaut à lydien
Harikambhoji #28 équivaut à mixolydien (qui était justement pas mal utlisé dans le rock psyché des années 1965/1970 pour évoquer l'Inde)
Natabhairavi #20 équivaut à éolien
To be continued... 😉